Le 8 novembre dernier, dans le cadre de la 40ème saison des Grands Interprètes, Le Concert de La Loge, dirigé par le violoniste Julien Chauvin, s’associait avec l’ensemble vocal La Sportelle et quatre grands chanteurs solistes pour célébrer Mozart. Interprétées avec ardeur, musique symphonique et musique sacrée ont renouvelé le riche portrait du compositeur.
C’est en janvier 2015 que le violoniste Julien Chauvin a fondé ce nouvel ensemble baptisé d’abord Le Concert de la Loge Olympique. Un titre auquel le Comité national olympique sportif français s’est opposé. Le nouveau nom de l’orchestre est donc devenu Le Concert de la Loge. Cette belle formation à géométrie variable, qui célèbre donc cette année son dixième anniversaire, joue sur instruments anciens et applique le concept que l’on définit parfois comme « historiquement informé ». Cette manière d’aborder les partitions du passé tend à retrouver les pratiques de jeu de l’époque de leur composition. Ce concert du 8 novembre a donc permis d’entendre les œuvres exécutées dans toute leur fraîcheur originale. Les timbres affûtés des instruments anciens contribuent à la transparence du tissu orchestral. L’absence de vibrato constant des cordes, les sonorités retrouvées des cors naturels, des trompettes naturelles et des bois d’époque ainsi que l’utilisation des timbales en peau enrichissent le discours, par ailleurs animé par un choix judicieux des phrasés. En outre, l’effectif de l’ensemble, une trentaine de musiciens, justifie l’appellation d’« Orchestre Mozart » donnée à ce type de formation.

Le concert débute avec l’ouverture des Noces de Figaro. Julien Chauvin dirige l’orchestre de son violon avec une vigueur réjouissante. La vitalité du tempo, l’animation des phrasés semble retrouver le titre original de la pièce de Beaumarchais dont se sont inspirés Mozart et son librettiste Lorenzo Da Ponte, La folle journée. On admire la précision de jeu de l’ensemble ainsi que l’équilibre entre les différents pupitres. Nous voilà loin des tapis de cordes de certaines interprétations romantiques de cette musique.
Le concert se poursuit avec la Symphonie n° 41 en ut majeur K. 551, baptisée « Jupiter » bien après la mort de Mozart, l’une des partitions les plus élaborées et les plus majestueuses du répertoire symphonique du compositeur. Abordé avec la plus stimulante des vivacités par la direction de Julien Chauvin, l’Allegro vivace initial bénéficie néanmoins d’une lecture nuancée et contrastée. Héroïsme et sourires font bon ménage. L’Andante cantabile porte bien son nom. De beaux phrasés caractérisent le chant qui irrigue tout le mouvement. Le scherzo titré Allegretto annonce presque le mouvement final par sa vivacité et une certaine fébrilité. Dans le mouvement final, Molto allegro, la direction magnifie l’équilibre de sa construction et l’élégance de ses thèmes. Le contrepoint, hérité de J. S. Bach, s’y développe avec une virtuosité impressionnante jusqu’à l’apothéose d’une coda triomphante. Une exécution saluée par une ovation de l’ensemble du public.

Toute la seconde partie de la soirée est consacrée à la sublime Grande Messe en ut mineur K. 427 composée dans le but de rendre grâce pour la guérison de la fiancée, puis épouse du compositeur, Constance Weber. Pour l’exécution de cette partition restée inachevée, l’Ensemble la Sportelle rejoint Le Concert de la Loge. Fondé sous l’égide de Rocamadour, haut lieu de pèlerinage, et placé sous la direction artistique d’Emmeran Rollin, ce chœur à géométrie variable (composé ici d’une vingtaine de chanteuses et chanteurs) excelle dans tous les répertoires. Sa participation à cette Grande Messe mozartienne éclaire encore la structure polyphonique de cette partition d’une richesse et d’une inventivité exceptionnelles. Tout au long de cette exécution, admirablement dirigée par Julien Chauvin, cette fois sans son violon, on admire les parfaits équilibres entre registres vocaux et instrumentaux qui se complètent et se répondent avec subtilité. Quatre voix solistes de grande qualité balisent l’œuvre de leurs interventions : la soprano Mélissa Petit, la mezzo-soprano (ou seconde soprano) Eva Zaïcik, le ténor Antonin Rondepierre et la basse Nahuel di Pierro.

Le Kyrie ouvre une séquence pleine de solennité à laquelle participent le chœur et la belle voix de la première soprano. Les nombreux épisodes qui composent le Gloria se distinguent par des combinaisons vocales d’une richesse nouvelle. On admire en particulier, dans le Domine Deus, le très beau duo des deux voix féminines dont les timbres se complètent et se marient avec finesse et subtilité. La contribution du chœur reste d’une beauté absolue.

Antonin Rondepierre et Nahuel Di Pierro – Photo Classictoulouse
C’est au sein du Credo qu’émerge la sublime séquence du Et incarnatus est : celle des échanges miraculeux entre la voix de soprano de Mélissa Petit et le trio instrumental qui réunit la flûte, le hautbois et le basson. LE grand moment de la soirée, un concentré d’émotion musicale et expressive ! Dans le Benedictus final, le quatuor vocal s’unit enfin au double chœur dans un élan de ferveur qui donne le frisson.
Une ovation unanime acclame longuement les artisans de cette soirée mémorable.
Serge Chauzy

