Concerts

Du grand piano aux Planètes

L'Orchestre national du Capitole dirigé par Ryan Bancroft avec le pianiste Roman Borisov - Photo Classictoulouse

Les 5 et 6 novembre, les deux concerts qui devaient initialement être dirigés par Tarmo Peltokoski, actuellement souffrant, ont néanmoins pu avoir lieu grâce à l’intervention de deux personnalités musicales admirablement impliquées. Le chef américain, bien connu et apprécié à Toulouse, Ryan Bancroft, a assuré avec panache la direction stratégique de l’orchestre. A la pianiste chinoise Yuja Wang, qui devait être la soliste du concert, s’est substitué le jeune prodige russe Roman Borisov pour le plus grand bonheur du public de la Halle aux Grains.

Annoncés par le délégué général de l’Orchestre national du Capitole, Jean-Baptiste Fra, ces changements ont également conduit à une modification du programme musical. En lieu et place du Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev que devait jouer Yuja Wang, Roman Borisov a proposé le Concerto pour piano n° 2 de Rachmaninov qu’il a animé avec une passion impressionnante. Le public a parfaitement accepté et compris ces changements au point d’applaudir spécifiquement le nom de Ryan Bancroft pour son acceptation qui a permis le maintien des deux concerts.

Toute la première partie de la soirée du 5 novembre à laquelle le signataire de ces lignes a assisté est donc consacrée au Concerto pour piano n° 2 en do mineur de Sergueï Rachmaninov. Cette œuvre de jeunesse voit le jour après les trois ans de dépression dans laquelle Rachmaninov a plongé à la suite de l’échec de sa première symphonie. La série crescendo d’accord du piano seul qui ouvre le Moderato initial est suivie d’un déploiement rutilant de l’orchestre, dirigé avec ferveur par un chef visiblement passionné et enthousiaste. Les solos instrumentaux, en particulier la splendide intervention du cor, se détachent avec finesse. Le piano de Roman Borisov combine l’agilité volubile de son jeu avec un sens absolu des nuances.

Le jeune pianiste russe Roman Borisov, soliste du Concerto n° 2 de Rachmaninov – Photo Classictoulouse

La douceur fébrile de l’Adagio sostenuto ouvre un dialogue touchant antre l’orchestre et le soliste. Un orchestre qui multiplie les solos instrumentaux, tous admirablement délivrés, en particulier ceux de la flûte, de la clarinette, du cor… On remarque le sens rhétorique du pianiste qui gère avec finesse les silences « expressifs » de la partition. Le final, Allegro scherzando, déclenche une tempête passionnée que l’orchestre partage avec le piano, à la fois nerveux et intense. L’excitation virtuose des échanges, irrésistibles et implacables se prolonge jusqu’à la signature sous-entendue dans le quadruple accord final qui transcrit musicalement le nom du compositeur. : Rach-ma-ni-nov !

Roman Borisov et Ryan Bancroft au salut – Photo Classictoulouse

L’accueil enthousiaste du public obtient du pianiste un bis totalement hors norme. Il s’agit d’une pièce abracadabrantesque du compositeur américain William Bolcom (né en 1938), extraite des 12 New Etudes, et intitulée Rag Infernal. L’écriture explosive de l’œuvre fait appel à de spectaculaires clusters de l’avant-bras avant de s’achever sur un long silence inscrit sur la partition et que l’interprète respecte avec détermination. La surprise n’empêche en rien l’accueil très positif du public.

Roy Bancroft dirige ensuite une œuvre emblématique du Britannique Gustav Holst, Les Planètes. Ce poème symphonique pour grand orchestre, écrit entre 1914 et 1917, se compose de sept mouvements correspondant chacun à une planète du système solaire, exprimée suivant sa symbolique astrologique : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. C’est en grande partie à cette pièce que Holst doit sa notoriété.

L’orchestre réuni pour l’exécution des Planètes de Gustav Holst -Photo Classictoulouse

Avec détermination, la direction du premier épisode, Mars, celui qui apporte la guerre, déchaine toutes les ressources orchestrales. Le contraste n’est pas mince avec Vénus, qui apporte la paix, qui s’ouvre sur un lumineux solo de cor, une fois encore admirablement exécuté. Mercure, le messager ailé introduit cette grâce soulignée par un très beau solo de violon. L’animation de Jupiter, celui qui apporte la joie, est suivie de l’ombre des flûtes et des harpes marquant le rythme de la marche du temps de Saturne, celui qui apporte la vieillesse. Nouveau contraste avec le rythme martial d’Uranus, le magicien qui n’est d’ailleurs pas sans évoquer L’Apprenti sorcier de Paul Dukas. L’ultime étape de ce voyage imaginaire, Neptune, le mystique, reçoit le soutien magique d’un chœur de femmes qui se fait entendre, sans paroles, depuis les coulisses. C’est une fois encore le Chœur d’État de Lettonie « Latvija », placé sous la direction de Māris Sirmais, qui conclut l’œuvre sur un long decrescendo a cappella semblant se perdre dans l’infini.

Le Chœur d’État de Lettonie « Latvija », placé sous la direction de Māris Sirmais – Photo Classictoulouse

Il faut un certain temps au public pour redescendre sur Terre avant l’ovation qui salue cette prestation et celle de l’ensemble du concert.

Serge Chauzy

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