Le mardi 05 novembre dernier, à la Halle aux Grains de Toulouse, la saison des Grands Interprètes se poursuivait avec la visite de l’Orchestre des Arts Florissants, dirigé par William Christie, et celle de la soprano Sonya Yoncheva, déjà présente à Toulouse lors d’une récente représentation du Didon et Enée de Purcell. Le programme de cette soirée originale était centré sur le personnage de la Reine Marie-Antoinette et explorait un florilège d’œuvres liées à son époque et à ses goûts musicaux.
A l’image du précédent concert des Grands Interprètes réunissant Philippe Jaroussky et l’ensemble l’Arpeggiata, cette soirée du 5 novembre a revêtu l’aspect d’un véritable spectacle musical d’une qualité particulière liée à celle des interprètes et à celle du choix des œuvres présentées.
Ce soir-là, les nombreuses pièces composant le programme (une quinzaine) sont judicieusement interprétées dans la continuité. Le public est même prié de ne pas applaudir entre elles, une consigne suivie avec une certaine dévotion.
C’est Mozart, compositeur fétiche de la Reine, qui ouvre et referme le concert. L’ouverture de son opéra de jeunesse La finta giardiniera donne le ton à la fois dynamique et poétique de cette soirée. William Christie la dirige avec une belle énergie. Dans sa première intervention, la grande soprano Sonya Yoncheva déploie tout l’héroïsme de l’air « Divinité du Styx » extrait de l’opéra Alceste de Christoph Willibald Gluck qui sera le compositeur majoritaire du concert. On retrouve avec bonheur son timbre généreux d’une parfaite rondeur au registre aigu épanoui. Dans cette succession de grandes et belles pièces musicales, les partitions chantées alternent avec les œuvres instrumentales de manière à suggérer le déroulement d’une œuvre unique.
Ainsi, dans la première partie, deux extraits instrumentaux de l’opéra Orphée et Eurydice, de Gluck (le Ballet des ombres heureuses et la Danse de Furies), encadrent l’air tragique de la Médée de Luigi Cherubini, « Vous voyez de vos fils la mère infortunée ». Les interventions impressionnantes des cuivres dans la Danse des Furies fait écho au désespoir de Médée.
Ce premier volet s’achève sur l’air élégiaque « Ô malheureuse Iphigénie », extrait d’Iphigénie en Aulide, de Gluck, et sur la complainte « Non, ce n’est plus pour moi » de la Didon de Niccolò Piccinni, admirablement nuancée par Sonya Yoncheva.
La seconde partie s’ouvre sur un épisode magique réunissant à l’avant-scène, sous un éclairage « ciblé », Sonya Yoncheva, William Christie et la harpiste de l’ensemble, Marie Bournisien. Deux pièces du répertoire traditionnel sont alors chantées par la soprano : « C’est mon ami », attribuée à Louis-Claude-Armand Chardin, et la célébrissime romance de Johann Paul Aegidius Martini, « Plaisir d’amour ». Un moment hors du temps.
La suite du concert offre plusieurs airs empreints d’une douceur et d’une sensibilité assumées par la chanteuse. Il s’agit de « Ah ! Peut-être à mes yeux luit ma dernière aurore ! », extrait de Demophoon, de Luigi Cherubini, et « Ah si la liberté me doit être ravie », de l’Armide de Gluck. Mozart est très présent dans la conclusion du concert. Deux extraits du ballet de son opéra Idomeneo, sont suivis de l’air « Ecco il punto, o Vitellia !… Non piu di fiori » de La Clemenza di Tito dont la soliste souligne avec art le drame intérieur qui s’y joue. La contribution en duo de la clarinette solo s’avère éblouissante.
Les acclamations du public incitent les interprètes à offrir pas moins de trois bis. Un air en italien d’un opéra méconnu de Gluck est suivi d’une reprise de « Plaisir d’amour », de Martini et de la chanson de Chardin « C’est mon ami ».
Serge Chauzy