Opéra

Une soirée d’exception au cœur de la mélodie

Stéphane Degout sur la scène de l'Opéra national du Capitole le 20 mars 2023

Accompagné par le pianiste Tanguy De Williencourt, le baryton Stéphane Degout vient de nous inviter, en ce 20 mars 2023, à l’un de ces récitals qui pénètrent l’âme autant que les sens.

Parcourant les univers propres au genre de la mélodie : nostalgie, mélancolie, attente, nature, voyage, nuit, amour aussi, Stéphane Degout avait programmé principalement les deux génies tutélaires de l’histoire de ce style si exigeant : Franz Schubert et Gabriel Fauré. Le retour sur la scène de l’Opéra national du Capitole d’un chanteur tel que Stéphane Degout est toujours un grand évènement. Assurément le plus grand baryton français de notre temps, cet artiste, car il en est un véritable, partage aujourd’hui son calendrier entre opéras et récitals, ces derniers ayant tendance à prendre le pas sur les premiers. La soirée s’ouvre avec l’incontournable maître du lied germanique : Franz Schubert et six de ses lieder écrits entre 1814 et 1825, un mini panorama de sa création, lui qui en a composé plus de 600 !. D’emblée, Stéphane Degout nous immerge dans un monde nimbé de brumes opalescentes où son timbre aux couleurs saisissantes d’intensité se fond dans la nuit et le rêve, titre du dernier lied (Nacht und Traüme) que Schubert composa à l’âge de 28 ans, trois ans avant de disparaitre. Dans un programme d’une formidable cohérence, Stéphane Degout ne pouvait que convoquer l’autre grand maître de la mélodie, l’appaméen Gabriel Fauré. Extrayant de son immense catalogue le cycle Mirages ainsi que l’opus 21 : Poème d’un jour, Stéphane Degout nous donne à entendre, dans une prosodie dont il a les secrets de la netteté et de la précision, quelques pages de ce qui s’est écrit de plus parfait dans l’histoire de la mélodie française.

Tanguy de Willencourt et Stéphane Degout sur la scène de l’Opéra national du Capitole le 20 mars 2023

Mais ce serait mal connaître ce baryton que de l’imaginer « restreint » entre deux géants.  Pour preuve ces Vier Gesänge d’Alban Berg, une œuvre de jeunesse de ce musicien alors âgé de 25 ans. Ce choix n’a rien d’anodin car il marque le moment auquel Alban Berg, alors élève d’Arnold Schoenberg, commence à être influencé par l’atonalité chère à cette Seconde école de Vienne qui va révolutionner toute la musique occidentale dans les premières années du XXe siècle.  Le récent triomphe in loco de Stéphane Degout dans le fabuleux Wozzeck d’Alban Berg, en novembre 2021, nous avait déjà montré toute l’affinité de cet interprète avec ce compositeur. Loin d’en rester là, Stéphane Degout déroule le programme officiel avec Maurice Ravel et ses Deux Mélodies hébraïques, dont le Kaddisch, cette prière des morts, chanté en araméen, a bouleversé par son émotion un public littéralement en apnée. Trois Chansons de France et Le Promenoir des deux amants, signés Claude Debussy, terminaient cette soirée d’un niveau vraiment exceptionnel. La voix de Stéphane Degout a vraisemblablement atteint aujourd’hui une certaine apogée lui permettant des jeux de couleurs, une musicalité, une souplesse et une dynamique ainsi qu’une incroyable capacité par ses milles inflexions à incarner chacune des pages abordées ce soir, chacune offrant au public une scène de la Comédie humaine dans ce qu’elle a de plus intime.

Enorme ovation et retour des deux interprètes pour un nouvel hommage aux maîtres. De Franz Schubert, Die Taubenpost (La Poste aux pigeons), vraisemblablement le dernier lied du musicien, suivi du Secret de Gabriel Fauré et, en guise d’au revoir, car il fallait bien se quitter, l’immortelle Sérénade (Ständchen) de Schubert.

Vraiment, une soirée d’exception !

Robert Pénavayre

Photos : Patrice Nin

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